Bovaer, ou la stupidité bovine

Bovaer est présenté comme le miracle qui rendra les vaches respectueuses du climat, mais les données qui le sous-tendent sont peut-être plus bovines que scientifiques.

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 Photo de  Daniel Quiceno M  sur  Unsplash

David Turver
Date: 28 novembre 2025

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Introduction

Fin 2018, Arla Foods a lancé un essai du Bovaer dans 30 exploitations agricoles à travers le pays. À l’époque, selon  BBC Very Iffy, l’entreprise affirmait que cet additif pouvait réduire les émissions de méthane des vaches de 30 à 45 %. L’annonce de cet essai a suscité l’inquiétude et a conduit à un boycott de certains produits d’Arla. Le fabricant du Bovaer, DSM-Firmenich, a déclaré que ces personnes étaient victimes de mensonges et de désinformation et que le produit était « parfaitement sûr ».

Entre-temps, l’utilisation de Bovaer a été rendue obligatoire dans tout le Danemark début octobre, et  de nombreux rapports ont  fait état de la nocivité de cet additif pour le bétail, ce qui a incité le gouvernement danois à ouvrir une enquête. Par pure coïncidence,  Arla a annoncé  début novembre, d’avoir interrompu l’essai britannique et est en train d’évaluer les résultats.

Comment en sommes-nous arrivés à une telle stupidité bovine endémique ? Analysons la situation.

Émissions nettes nulles

Au fond, toute cette controverse tourne autour de la neutralité carbone. Les alarmistes climatiques s’inquiètent des effets dévastateurs des concentrations de méthane dans l’atmosphère, mesurées en parties par milliard, sur le climat. Cela a incité des organisations comme UK FIRES  à appeler à une réduction de 50 % de la consommation de bœuf et d’agneau d’ici 2030 et à son élimination totale d’ici 2050 (voir figure 1).

Figure 1 – UK FIRES Objectif zéro absolu : éliminer le bœuf et l’agneau d’ici 2050

Dans son  septième budget carbone (CB7), le Comité sur le changement climatique (CCC) a adopté une approche moins draconienne, préconisant une réduction de 25 % de la consommation globale de viande d’ici 2040 et de 35 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2019. Dans ce cadre, il prévoit une réduction plus marquée de 40 % pour la viande rouge d’ici 2050. Le CB7 préconise également une réduction de 27 % du cheptel bovin et ovin d’ici 2040 et de 38 % d’ici 2050. Ces réductions sont préconisées malgré le constat que les émissions de méthane « sont déjà inférieures de 62 % à leur niveau de 1990 ».

Cycle du carbone

Le discours alarmiste repose sur une méconnaissance du cycle du carbone. Les vaches et autres ruminants parcourent la Terre depuis des millénaires. Par exemple, on comptait environ 60 millions de bisons  en Amérique du Nord au XVIIIe siècle, contre environ 87 millions de bovins aux États-Unis début 2024. Pourtant, ces bisons n’ont pas provoqué d’emballement du réchauffement climatique. Ceci est dû au cycle du carbone lié au pâturage du bétail (voir figure 2).

Figure 2 – Cycle du méthane et du dioxyde de carbone lié au pâturage bovin

Les vaches broutent de l’herbe, ce qui libère du méthane par leurs rots et par la décomposition de leurs excréments. Le méthane s’oxyde rapidement en CO₂ puis est réabsorbé par l’herbe grâce à la photosynthèse. L’herbe pousse et stocke le carbone dans ses feuilles et ses racines. Les vaches broutent ensuite cette herbe et le cycle recommence.

Bien que du méthane soit émis au cours du cycle, il est ensuite réabsorbé, de sorte que l’effet net sur le climat est négligeable.

Impact du méthane dans l’atmosphère

De plus, l’inquiétude concernant le méthane dans l’atmosphère est exagérée (voir figure 3).

Figure 3 – Fréquences d’absorption du méthane

Comme on peut le constater, les fréquences d’absorption du méthane sont presque entièrement masquées par celles de la vapeur d’eau. La  concentration moyenne de vapeur d’eau  dans l’atmosphère est d’environ 0,25 %, soit environ 2 500 parties par million. En revanche, la concentration de méthane est d’environ 1 900 parties par  milliard, soit plus de trois ordres de grandeur inférieure à celle de la vapeur d’eau. L’idée qu’une variation de la concentration de méthane puisse avoir un impact sur le climat alors que ses fréquences d’absorption sont déjà saturées par la vapeur d’eau est absurde.

Un lecteur a partagé dans les commentaires un article intéressant sur l’impact relativement faible du méthane sur l’effet de serre. Je l’ai trouvé très utile.

Impact de Bovaer sur les vaches

Nous allons maintenant aborder l’impact de Bovaer sur l’élevage. En 2024, le Centre danois pour l’alimentation et l’agriculture a publié un document détaillant l’impact de Bovaer sur les émissions de méthane et la productivité laitière. Ce document est téléchargeable ici.

L’article documente cinq expériences menées sur des troupeaux de vaches danoises. La présentation des résultats est assez hétérogène : certaines études se concentrent uniquement sur la réduction du méthane, tandis que d’autres incluent également l’impact sur la production laitière corrigée en énergie (PLE) (voir figure 4).

Figure 4 – Impact de Bovaer sur les émissions de méthane et le rendement laitier corrigé en énergie

Les deux expériences de Johnson ont montré une réduction des émissions de méthane d’environ un tiers, avec des réductions correspondantes de la production laitière équivalente (PLE) d’une ampleur similaire. L’expérience de Kjeldsen a réduit les émissions de méthane de près d’un quart, mais n’a pas abordé l’impact sur la production laitière. Le premier article de Maigaard a montré une réduction de 18 à 23 % des émissions de méthane et a simplement constaté un impact négatif non quantifié sur la production laitière. Le second article de Maigaard a montré une réduction de 31 à 34 % de la production de méthane et une réduction de la PLE de 0 à -5 % selon la dose de Bovaer. Il est à noter qu’aucune de ces expériences n’a atteint la réduction maximale de 45 % des émissions de méthane annoncée par DSM-Firmenich.

Une autre  méta-étude de Pupo et al. a conclu que le 3-nitrooxypropanol (3-NOP), l’ingrédient actif de Bovaer, réduisait les émissions de méthane de 27,9 %, mais qu’une exploitation laitière de 1 000 vaches devrait être indemnisée à hauteur de 128 320 $ par an pour couvrir le coût de l’additif et la perte de production laitière.

On ne peut que s’étonner de la stupidité bovine qui justifierait l’introduction d’un additif réduisant la production laitière presque autant que les émissions. Pour obtenir le même rendement, il faudrait davantage de vaches et les émissions totales seraient quasiment identiques, mais à un coût bien plus élevé.

Fiche de données de sécurité Bovaer

La fiche de données de sécurité (FDS) du Bovaer, qui peut être téléchargée ici, soulève des inquiétudes supplémentaires. La fiche de données de sécurité (FDS) indique que Bovaer provoque de graves lésions oculaires et des irritations cutanées, et est suspecté d’altérer la fertilité. En cas de contact avec les yeux, il est recommandé d’appeler immédiatement un centre antipoison et de rincer abondamment à l’eau pendant plusieurs minutes.

Cela remet en question l’affirmation de DSM-Firmenich selon laquelle Bovaer est « totalement sûr » à utiliser.

L’expérience danoise

Le Farmers Guardian  a signalé des problèmes de santé chez les vaches danoises nourries au Bovaer. Le gouvernement danois a rendu obligatoire l’utilisation du Bovaer dans les troupeaux de plus de 50 vaches à compter du 1er octobre 2025. Dans ces exploitations, le Bovaer doit être ajouté à la ration des vaches pendant au moins 80 jours par an. Les éleveurs ont indiqué que leurs vaches souffraient de problèmes tels que la fièvre et la diarrhée, que leur fertilité était affectée et que, dans certains cas, des vaches se sont effondrées et sont mortes. Peut-être que les soupçons de problèmes de fertilité soulevés par le SDS seront bientôt confirmés.

Un éleveur a décrit le Bovaer comme un poison, constatant une explosion des cas de dermatite digitale et une augmentation du nombre de cellules somatiques. Un nombre élevé de cellules somatiques indique une baisse de la qualité du lait et suggère une infection mammaire. Lorsqu’il a cessé d’ajouter du Bovaer à l’alimentation de ses vaches, leur état de santé s’est nettement amélioré et le nombre de cellules somatiques a diminué de 20 % deux jours plus tard.

L’éleveur danois  Kent Nielsen a publié une vidéo sur X pour se plaindre que depuis le 1er octobre, date à laquelle il a commencé à nourrir ses vaches avec du Bovaer, celles-ci souffraient de diarrhée, de paralysie intestinale et de fièvre de lait. Il a également signalé une perte de 3 kg de lait par vache. Après avoir consulté un vétérinaire, il a cessé d’administrer du Bovaer.

Le profil de M. Nielsen sur X  documente également de nombreux cas de ce qu’il appelle « Bovaerpoison » dans d’autres exploitations, y compris la mort de veaux.

Qui aurait pu deviner que de perturber le processus digestif des bovins aurait un impact sur leur santé ?

 

Conclusions

Les alarmistes climatiques ne cachent pas leur volonté de réduire la consommation de viande et d’abattre nos troupeaux. Ils croient à tort que les émissions de méthane des vaches nuisent au climat, sans tenir compte du cycle complet du carbone des ruminants.

La course effrénée vers la neutralité carbone a engendré une véritable hécatombe de stupidité bovine parmi nos dirigeants. Ils ont inventé Bovaer comme solution dangereuse, réduisant à la fois les rendements et les émissions, pour un problème inexistant de flatulence bovine. Il n’est guère surprenant que toute modification du système digestif des vaches puisse nuire à leur santé. Certains affirment que la finalité d’un système se mesure à son fonctionnement ; peut-être voient-ils l’imposition de Bovaer comme un moyen facile de réduire le nombre de vaches dans les exploitations. En réalité, nous devons sacrifier les vaches pour apaiser les caprices du climat. Espérons qu’Arla prendra la bonne décision et renonce à étendre l’expérimentation de Bovaer à l’ensemble du secteur agricole.

Climate Intelligence (Clintel) is an independent foundation informing people about climate change and climate policies.

David Turver

David Turver  est l’auteur de la page Eigen Values Substack, où cet article a été initialement publié.  Vous pouvez également le suivre sur X.

Traduction : Eric Vieira

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