Une prise de contrôle du GIEC
Le cadre de longue date du GIEC pour la détection et l’attribution semble avoir disparu dans le 7e AR.
Repose en paix. Vous avez fait de la bonne science
et nous vous en sommes reconnaissants.
Clintel Foundation
Date: 27 août 2025
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier les noms des auteurs de son septième rapport d’évaluation (AR7). La liste des auteurs du chapitre 3 — Évolution du climat régional et des extrêmes, et leurs causes — suggère fortement que le GIEC va abandonner sa focalisation de longue date sur la détection et l’attribution (D&A) des événements extrêmes pour se concentrer sur « l’ attribution des événements extrêmes » (AEE).
Commençons d’abord par clarifier brièvement en quoi ces concepts sont différents et pourquoi cette différence est importante.
- Le cadre de D&A du GIEC découle de sa définition du « changement climatique » comme une modification des statistiques météorologiques sur de longues périodes, généralement plusieurs décennies. La détectionconsiste à identifier un tel changement. L’attribution consiste à identifier les causes de ce changement. Pour la plupart des phénomènes météorologiques extrêmes, le GIEC n’a pas réussi à détecter ou à attribuer les phénomènes avec un niveau de confiance élevé et ne s’attend pas de le faire pour la grande partie de ce siècle.
- En partie en raison de l’incapacité du GIEC à établir une D&A pour la plupart des types d’événements extrêmes, la notion d’EEA a été inventée pour relier des événements météorologiques spécifiques aux changements climatiques et est présentée comme une tentative d’attirer l’attention des médias et de soutenir les litiges climatiques. La plupart des travaux d’EEA sont publiés en dehors de la littérature scientifique, sont annoncés par communiqué de presse, et sont généralement contraires aux recherches évaluées par des pairs sur les événements extrêmes.
- Le cadre D&A est scientifiquement rigoureux, et cohérent avec la définition du changement climatique du GIEC et traite les événements extrêmes de la même manière que d’autres phénomènes, comme les températures mondiales et l’élévation du niveau de la mer. L’approche AEE est scientifiquement problématique, incompatible avec les conclusions du GIEC sur les phénomènes météorologiques extrêmes et est explicitement fondée sur la défense du climat.
Le sixième rapport d’évaluation du GIEC (IPCC AR6) s’est montré résolument tiède ou même glacial face à la notion d’AEE et a mis l’accent sur le cadre traditionnel de D&A. Cette époque est peut-être révolue à présent.
Frederika Otto, cofondatrice du World Weather Attribution (WWA), a été nommée responsable du chapitre, avec un autre universitaire spécialisé dans l’attribution des événements extrêmes.
Otto explique aujourd’hui : Je suis l’auteure principale coordinatrice. Cela signifie que je dirige le chapitre et que je suis responsable de sa réalisation. Cela représente beaucoup de travail, mais cela me donne aussi l’occasion de façonner la structure et l’orientation du chapitre.
La liste des auteurs du chapitre montre qu’il est riche en spécialistes de l’attribution des événements extrêmes — dans une proportion bien plus vaste que leur présence dans ce domaine. Avec l’aide de Google Scholar et de ChatGPT, j’ai créé le tableau ci-dessous, qui montre que neuf des vingt auteurs du chapitre concentrent leurs recherches sur l’attribution des événements extrêmes. Deux des trois auteurs principaux coordonnateurs se concentrent sur l’AEE. Peu d’entre eux, voire aucun, possèdent une expertise dans le cadre conventionnel du GIEC pour la détection et l’attribution, et certains n’ont publié aucun article sur la détection ou l’attribution.
Auteurs du GIEC AR7 pour le chapitre 3 du GT1, « Évolution du climat régional et des extrêmes, et leurs causes ».
Les lignes en couleur indiquent les chercheurs ayant publié des articles sur l’attribution des événements extrêmes.
Les trois entrées en haut sont les auteurs principaux coordonnateurs du chapitre. Je suppose que chacun de ces
scientifiques est excellent dans son domaine et sincère dans ses convictions — Cependant, ils représentent un
sous-ensemble très concentré de perspectives sur les événements extrêmes, explicitement axé sur la défense et
le contentieux climatiques.
Il est à noter qu’outre Otto, le chapitre inclut un deuxième collaborateur de WWA. Le Fonds Bezos pour la Terre finance en partie la WWA, ainsi que l’ étude en cours de l’Académie nationale des sciences des États-Unis sur l’attribution des événements extrêmes. Au moins cinq des vingt auteurs du chapitre ont participé d’une manière ou d’une autre à cette étude.
Examinons un exemple concret des différences entre les recherches conventionnelles du GIEC (D&A) et celles de l’AEE, et leur importance. Prenons les affirmations suivantes concernant les inondations au Pakistan :
- World Weather Attribution (WWA) dans les médias ( 6 août 2025 ) : « Chaque dixième de degré de réchauffement entraînera des précipitations de mousson plus abondantes, ce qui souligne pourquoi une transition rapide des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables est si urgente. »
- L’analyse de la WWA (non évaluée par des pairs, publiée sous forme de communiqué de presse) affirme : « Les tendances historiques associées au réchauffement climatique dans les ensembles de données d’observation montrent que les précipitations maximales sur 30 jours dans la région étudiée sont désormais environ 22 % plus intenses… on attend que les épisodes de fortes pluies comme celles-ci deviennent plus fréquentes et plus intenses. »
- En revanche, une nouvelle étude évaluée par des pairs sur la détection et l’attribution des changements possibles dans les précipitations de mousson au Pakistan ( 9 juillet 2025 ) a conclu : « De comprendre comment le changement climatique affecte les régions de mousson en Asie du Sud n’est pas simple, contrairement à ce que certains commentateurs des médias ont suggéré, lorsqu’ils ont rapporté sur les inondations au Pakistan en 2022. »
- Cette même étude sur les projections de fortes précipitations dans le futur : « Nos expériences montrent qu’une augmentation anthropogène future des concentrations de CO2 n’entraînerait pas nécessairement une nouvelle exacerbation des précipitations au Pakistan ; au lieu de cela, une réduction non significative d’environ 5 % de la moyenne globale des précipitations a été constatée.»
- Une étude de 2022 sur l’incidence des inondations au Pakistan : « Les débits maximaux annuels ont montré des tendances négatives dans 15 stations (10 significatives) tandis que des tendances positives ont été observées dans 7 stations (2 significatives) entre 1981 et 2016… Contrairement à la croyance générale, le schéma de débit le plus profond et le plus décroissant a été observé en été. »
Ces différentes affirmations sont impossibles à concilier.
- Les inondations au Pakistan ont augmenté. Elles n’ont pas augmenté au Pakistan.
- Les précipitations de mousson augmenteront certainement. Les pluies de mousson diminueront probablement.
- La réduction des émissions futures de dioxyde de carbone modulera directement le comportement de la mousson. Il est peu probable que les émissions futures de dioxyde de carbone jouent un rôle significatif dans ce comportement.
La composition du chapitre AR7 du GIEC sur les événements extrêmes nous donne peut-être un aperçu de la manière dont de telles affirmations contradictoires peuvent être conciliées par l’équipe d’auteurs.
Les reportages sur l’AEE offrent peut-être un aperçu du prochain GIEC. Par exemple, hier encore, le New York Times a évoqué les inondations au Pakistan et n’a décelé aucune tension scientifique ni incertitude, en suivant l’exemple de WWA :
Autrefois source de vie et de renouveau, la mousson apporte la mort au Pakistan
. . . le changement climatique a apporté une nouvelle normalité catastrophique au pays . . . La saison des moussons, autrefois vénérée comme une source de vie et de renouveau, a apporté la mort et la dévastation dans de vastes régions du Pakistan, une nation d’Asie du Sud de 250 millions d’habitants. Les moussons ont tué plus de 700 personnes dans l’ensemble du pays depuis le début de la saison fin juin. Ce schéma de plus en plus fréquent oblige le Pakistan à faire face à une nouvelle réalité : les destructions causées par des conditions météorologiques extrêmes sont devenues la norme, et non l’exception.
En réalité, il n’existe pas de « nouvelle normalité ». Le Pakistan est depuis longtemps l’un des pays les plus exposés et les plus touchés par les inondations au monde. Hamidifar et Nones (2023) ont analysé 70 années d’inondations dans le monde et ont constaté :
Le nombre maximal d’inondations correspond à l’Inde, à la Chine, à l’Indonésie, au Pakistan, au Brésil et au Vietnam. . . Cependant, les décès les plus élevés liés aux inondations ont été signalés en Inde, en Chine, au Pakistan, au Bangladesh, au Japon et en Iran. . .
Le tableau ci-dessous montre que le Pakistan a une longue histoire de pertes humaines importantes liées aux inondations dans ce pays de basse altitude, ce qui reflète d’énormes vulnérabilités dans une région sujette aux extrêmes, même en l’absence de tendances fortes.
Source : Paulikis et Rahman 2013
Les événements extrêmes sont devenus un enjeu politique. La défense du climat a insisté sur le lien entre ces événements et le changement climatique, promouvant l’idée que « chaque dixième de degré » d’augmentation de la température mondiale est associé à davantage d’événements extrêmes et de catastrophes. Seulement en réduisant les émissions, affirme-t-on, nous pourrons également moduler les phénomènes météorologiques extrêmes. Dans cette logique, chaque événement extrême est une question de consommation d’énergie, et non d’exposition, de vulnérabilité et de décisions locales qui ont vu le nombre de décès dus aux catastrophes chuter à son plus bas niveau dans l’histoire de l’humanité. L’AEE a joué un rôle central dans ce genre de plaidoyés.
L’évaluation scientifique peut s’avérer complexe, même dans les meilleures circonstances. Lorsqu’une évaluation est détournée au profit de la politique, elle cesse d’être une évaluation et devient autre chose.
Traduit par Eric Vieira
Roger Pielke Jr.
Il s’agit de la traduction française de l’article intitulé « A Takeover of the IPCC » (Une prise de contrôle du GIEC), publié par Roger Pielke Jr. le 20 août 2025 sur son site web The Honest Broker. Vous pouvez vous y abonner pour recevoir d’autres articles de ce type.
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