Les éoliennes offshores se volent mutuellement le vent : leurs rendements sont largement surestimés

Des documents de politique nationale indiquent une surestimation allant jusqu’à 50 % de la production énergétique des éoliennes offshore. Cette conclusion repose sur l’analyse des données opérationnelles de 72 parcs éoliens.

Climate Intelligence (Clintel) is an independent foundation informing people about climate change and climate policies.

Parc éolien des Pays-Bas (Source : Shutterstock)

Bert Weteringe
Date: 30 décembre 2025

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Afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par le Pacte vert pour l’Europe, l’éolien offshore devra contribuer de manière significative à l’approvisionnement énergétique futur de l’Europe – du moins, c’est ce que prévoient les gouvernements européens. Cependant, ces plans se heurtent à des obstacles en raison des coûts d’investissement élevés et de l’incertitude quant à la rentabilité, la demande étant plus faible que prévu. Le 30 octobre, le ministre sortant Hermans du ministère néerlandais du Climat et de la Croissance verte (KGG) a annoncé dans une lettre à la Chambre des représentants qu’aucune demande d’autorisation n’avait été reçue pour l’appel d’offres concernant le parc éolien de Nederwiek IA, d’une capacité installée de 1 à 1,15 gigawatts. Cette tendance n’est pas propre aux Pays-Bas. En août, par exemple, aucun candidat n’avait répondu à l’appel d’offres lancé par le gouvernement allemand pour des projets éoliens offshore portant sur dix gigawatts. À cela s’ajoute un autre obstacle : les rendements énergétiques des éoliennes offshore semblent bien inférieurs aux prévisions de la plupart des plans politiques nationaux.

« Les objectifs politiques nationaux tablent sur une production d’énergie jusqu’à 50 % supérieure à ce qui peut être raisonnablement atteint », conclut Carlos Simao Ferreira, professeur de sciences de l’énergie éolienne à l’Université technologique de Delft. Il a publié, en collaboration avec ses collègues danois Gunner Chr. Larsen et Jens Nørkær Sørensen de l’Université technique du Danemark (DTU), un article dans le dernier numéro de la revue « Cell Reports Sustainability », du 21 novembre. « Cette étude établit une limite supérieure, fondée sur des principes physiques, aux performances des parcs éoliens, démontrant que les contraintes aérodynamiques imposent un plafond fondamental à l’énergie extractible de la couche limite atmosphérique marine », poursuivent les scientifiques.

Selon l’article, les parcs éoliens, en constante expansion et de plus en plus denses, puisent leur énergie dans la partie inférieure de la couche limite atmosphérique, influençant cette dernière jusqu’à plusieurs kilomètres au-dessus de la surface terrestre. L’énergie extraite du flux d’air doit être compensée par les couches supérieures de l’atmosphère, mais ce processus est limité par les contraintes atmosphériques, déterminées par des principes physiques issus de la météorologie et de la géophysique. Autrement dit, les éoliennes se volent mutuellement le vent, ce qui signifie que leur rendement diminuera d’autant plus que leur nombre augmente. Les scientifiques le démontrent à l’aide d’un modèle analytique validé qui définit la limite supérieure physique de la production des parcs éoliens offshore.

Ils ont élaboré leur modèle à partir des rendements réels de 72 grands parcs éoliens situés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, et ont comparé les rendements actuels aux rendements théoriques attendus, tels que définis dans les documents de politique nationale, à travers plusieurs études de situation. Dans sept des neuf études de situation, les objectifs nationaux de production éolienne en mer se sont avérés largement surestimés. Deux parcs éoliens allemands ont quant à eux présenté des rendements légèrement sous-estimés.

Les limites de l’éolien offshore, révélées dans cette publication ne sont pas nouvelles. Des scientifiques de la « Danish University » et de l’Institut Max Planck allemand avaient déjà averti que les rendements attendus de l’énergie éolienne offshore pourraient chuter d’un tiers, voire plus, si son développement s’intensifiait. Dans une publication de 2020 de l’organisation allemande « Agora Energiewende », une équipe interdisciplinaire et internationale qui élabore des stratégies scientifiquement rigoureuses et politiquement viables pour la transition vers la neutralité climatique, ils ont démontré que l’efficacité des éoliennes diminue à mesure que l’utilisation de l’énergie éolienne augmente. Par ailleurs, Axel Kleidon, physicien et chef de groupe à l’Institut Max Planck, affirme dans une publication de 2021 de la « Meteorologische Zeitschrift » que les rendements énergétiques des zones où les éoliennes couvrent plus de 100 kilomètres carrés sont jusqu’à douze fois inférieurs à ceux des petits parcs éoliens situés dans des zones stratégiques, indépendamment des progrès technologiques réalisés dans le domaine des éoliennes. La publication de « Cell Reports » confirme désormais ces observations antérieures par des chiffres précis.

Les Pays-Bas se distinguent particulièrement : avec une surestimation des revenus de 49 %, les scientifiques qualifient la politique du gouvernement néerlandais « d’incohérente sur le plan interne ». Le Plan d’infrastructure éolienne de la mer du Nord (WIN), publié par le gouvernement néerlandais en juillet, table sur un facteur de capacité de 51 à 56 % – soit le rapport entre la production d’électricité réelle d’une éolienne et son rendement maximal potentiel sur la même période. Or, les chiffres de l’Institut néerlandais de la statistique (CBS) indiquent que le facteur de capacité des éoliennes dans la partie néerlandaise de la mer du Nord était de 37 % et 38 % en 2023 et 2024, respectivement. La publication de Delft cite cela comme exemple frappant de la façon comment « l’évolution des objectifs, la planification spatiale et les performances attendues peuvent se retrouver inadaptées aux contraintes physiques ».

« Une telle surestimation masque non seulement les coûts énergétiques réels, mais sous-estime également la variabilité de la production, l’intégration et les risques de limitation de production, et elle fausse les orientations politiques », affirment les scientifiques. Ils soulignent par ailleurs que le manque à gagner en recettes d’électricité qui en résulterait « pourrait avoir un impact considérable sur la société et l’économie ». L’efficacité des investissements massifs dans la flexibilité du réseau électrique et dans le stockage de l’énergie éolienne – tels que les batteries et la production d’hydrogène – dépend largement du facteur de capacité réel des éoliennes offshore. Selon les scientifiques, la sous-utilisation de ces investissements à l’avenir entraînera des répercussions sur plusieurs générations. « Les fortes exigences qui pèsent sur la société, l’économie et l’environnement impliquent que les solutions correctives pourraient s’avérer coûteuses, voire irréalisables, pour un pays ou une région », concluent-ils.

Climate Intelligence (Clintel) is an independent foundation informing people about climate change and climate policies.

Simão Ferreira et al., Une limite supérieure théorique pour l’extraction d’énergie éolienne en mer, « Cell Reports Sustainability  (2025) », https://doi.org/10.1016/j.crsus.2025.100573

Bert Weteringe

Bert Weteringe est un ingénieur aéronautique néerlandais et l’auteur du livre « Downwind »  (2023), dans lequel il informe les lecteurs des effets dévastateurs de la politique climatique sur la société et la nature, et plus particulièrement de l’impact de la production d’énergie à grande échelle grâce aux éoliennes. Journaliste d’investigation indépendant, il se concentre principalement sur la transition énergétique. Sur son site web , il publie des actualités sur ce sujet et plus spécifiquement sur les éoliennes.

Traduction : Eric Vieira

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By |2025-12-30T18:01:55+01:00December 30, 2025|Comments Off on Les éoliennes offshores se volent mutuellement le vent : leurs rendements sont largement surestimés
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